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Monnaie, servitude et liberté, la répression monétaire de l’Afrique

Joseph Tchundjang Pouémi
Édition : Menaibuc
ISBN : 978-2-911372-16-2
Format du livre : 16 cm*24 cm
Poid : 448g
EAN : 9782911372162
Disponible
23,33€  

Quantité


Cet ouvrage écrit en 1978-1979, publié en 1981, présenté par son auteur dans une dédicace comme une « tentative pour contribuer à la compréhension des douleurs de l’Afrique », constitue, après plus d’un quart de siècle, une mise en perspective unique et inégalée du sort fait à l’Afrique dans l’économie mondiale. Tout ce qui s’est passé depuis la parution de ce livre, a en effet confirmé la justesse de ses analyses, accueillies à l’époque comme des vues d’une insolence iconoclaste. Non seulement ce livre lumineux a été occulté mais son auteur a disparu peu après sa parution dans des conditions suspectes, suicidé paraît-il.

Pourtant ce témoignage, un véritable monument par la puissance des conceptions, l’acuité de l’esprit et l’élégance de la langue, rend parfaitement intelligible aux Africains quelques unes des malédictions qu’ils traînent comme une fatalité et le remède pour s’en défaire.

Tchundjang Pouémi pose sans détour la situation de l’Afrique comme « réservoir de l’Europe, elle-même au service des multinationales ». Camerounais, il juge le franc CFA comme une « chimère », notant que « La France est le seul pays au monde à avoir réussi l’extraordinaire exploit de faire circuler sa monnaie et rien que sa monnaie dans des pays politiquement libres ». Les enjeux de cette sujétion sont parfaitement exposés. Le livre, qui veut atteindre le grand public, témoigne d’un prodigieux effort de vulgarisation, sur des sujets abstrus, dont l’obscurité garantit justement leur malfaisante efficacité. Cela vaut la peine de faire l’effort de suivre pas à pas l’exposé et de s’appliquer à pénétrer les mécanismes de ce qui est montré comme la source de la puissance : la maîtrise de la monnaie.

L’économiste démontre comment les « techniques autorépressives » assumées par les Africains « bloquent tout progrès économique, si elles ne l’inversent pas…  », comment l’épargne locale, malgré l’effort obstiné des petits épargnants, n’est pas rémunérée, alors que les Etats s’endettent à 8% auprès de la banque mondiale. Après l’exposé théorique, quelques cas concrets viennent illustrer les échecs des économies africaines. Ainsi le cas du Zaïre où « l’appauvrissement soutenu du Zaïrois accompagne fidèlement les bonnes affaires de la Gécamines », puisque, comme le pose l’axiome énoncé par un militaire belge qu’il cite : « après l’indépendance = avant l’indépendance ». Avoir lu Tchundjang Pouémi dans les années quatre vingt aurait certainement fait l’économie des flots de commentaires en des ouvrages aussi épais que confus sur l’étonnant constat d’une « absence de développement » en Afrique.

Les différentes situations monétaires des pays africains sont expliquées, de la totale sujétion des pays de la zone franc à la satellisation de ceux qui sont dans l’orbite de la livre sterling. Les héritages coloniaux entravent irrévocablement l’essor économique des pays dits indépendants. Mais, avec une géniale prescience, Tchundjang Pouémi, brosse un tableau réaliste des ravages de la domination du FMI – selon lui Fonds de Misère Instantanée – dont il annonce la fonction : «  Il aidera à contenir les ambitions des pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie qui aspirent à un mieux-être, désormais admis comme condition sine qua non de la paix, mais inacceptable, parce qu’il implique au moins un ralentissement du rythme de la consommation en Occident. »

Les conclusions sont véritablement prophétiques. Aujourd’hui qu’on achoppe sur les Accords de partenariat économique (APE), comment ne pas apprécier le jugement que « à l’évidence le dialogue Nord-Sud est de sourds » parce qu’ « on est en présence de deux prétentions fortement divergentes. L’une, celle de l’OCDE, qui entend … cristalliser le monde. L’autre, celle du Sud, qui…croit pouvoir aspirer à un mieux-être matériel, conséquence logique du droit qu’on dit lui reconnaître d’exister dignement » situation à laquelle « il n’y a pas d’issue », sinon le développement des conflits liés au contrôle des matières premières, comme l’Afrique actuelle en offre le tragique exemple.

Admirablement pédagogique – l’auteur expose les fondements historiques de la monnaie – d’une largeur de vue remarquable, cet ouvrage est le grand classique de l’économie africaine, alliant la maîtrise de tous les mécanismes de l’économie à la vision d’une perspective de philosophie politique et surtout à la flamme de la mission de salut pour un continent humilié. Sa force et son rayonnement sont encore à venir.

Odile Tobner


Préface de Mohamed Tiékoura Diawara

Docteur ès-sciences économiques (1968). Professeur à l'Université de Yaoundé (jusqu'en 1975), directeur du Département d'économie publique de l'Université d'Abidjan et membre du Bureau national d'études et techniques du développement en tant qu'économiste en chef (1975-1984).