Peau noire, cheveu crépu
Édition : éd. Jasor
ISBN : 2912594456
Format du livre : 24 x 2 x 18 cm
Poid : 0g
EAN : 978-2912594457
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Juliette SMERALDA, sociologue martiniquaise, consacre cet essai à une étude anthropologique et psychologique pour re-tracer le cheminement de l’image de soi dans les diasporas noire et indienne: cheveux et peaux sont au centre d’une identité mouvementée, malmenée par un passif lourd. Les séquelles identitaires, référencées ici, sont issues d’enquêtes et de documentations denses.
«Notre intention n’est pas de chercher à ancrer les phénomènes de dénaturation de leur cheveu et de leur peau observés chez certaines populations, dans un discours de la sélection naturelle teinté de darwinisme social. Il s’agit plutôt de considérer ces phénomènes en tant qu’aberrations engendrées par une déstructuration du rapport de ces populations à leurs propre corps.» («Peau noire, cheveu crépu» - p. 40)
1. Juliette SMERALDA: ses implications psycho-sociologiques
Docteur en Sociologie, Juliette SMERALDA enseigne à la Faculté des Sciences sociales de l’université Marc Bloch – Strasbourg II, en qualité d’Attachée de Recherche et d’Enseignement. Impliquée dans un domaine de recherche: l’Interculturalité.
Martiniquaise, descendante d’Africains et d’Indiens, elle travaille sur l’Indianité qui se concentre sur les Indo-Martiniquais dits «coolies»: leurs spécificités socio-culturelles, leur histoire. Cette migration fait l’objet de nombreux travaux de recherche:
- son mémoire de Maîtrise: «les indiens de la Martinique : une minorité dominée?», présenté à Paris X (Université de Nanterre) – 1982.
- sa thèse de Sociologie, option Psychologie sociale: «Etude analytique de l’identité sociale des indo-Martiniquais et Etude comparative des relations intergroupes en Martinique», soutenue à l’Université Paris VII – 1990.
- son ouvrage qui reprend des éléments de cette thèse: «la Question de l’immigration indienne dans son environnement socio-économique martiniquais: 1848-1900» (éd. L’Harmattan, 1996)
2. Les sections thématiques de son ouvrage «Peau noire, cheveu crépu»:
- l’Introduction de Juliette SMERALDA: considérations générales
«Se pourrait-il que derrière la pratique du défrisage, à laquelle peu de femmes aux cheveux crépus échappent, adolescentes voire petites filles incluses, se cache une non-acceptation de la nature de leurs cheveux par toutes ces femmes?» (Introduction – p. 7)
- 1 ère partie: Eléments d’anthropologie raciale et d’histoire
Chap.1 - Les origines de la représentation négative du cheveu crépu et de la peau noire
Chap. 2 - La combinaison noir/crépu/laideur
Les canons d’une esthétique déniée: exemple afro-américain
- 2 ème partie: Vision contemporaine des pratiques esthétiques
Chap. 3 – Historique des techniques de transformation de la structure et de la couleur du cheveu
Chap. 4 – Le corps dans la société de consommation
Chap. 5 –Mouvements identitaires et remise en question du défrisage et de l’éclaircissement
- 3 ème partie: Travaux empiriques
Chap. 6 – Résultats de la première enquête
Chap. 7 – Résultats de la deuxième enquête
Chap. 8 – Eléments de réflexion
- la Conclusion de Juliette SMERALDA
«C’est toute la personne du Noir à laquelle on porte atteinte lorsque l’on dénie ses traits somatiques, sa couleur de peau et sa culture» (p. 289 – en conclusion)
- Annexes
- Eléments bibliographiques
3. Une étude comportementale – capillaire, cosmétique et morphologique
3.1 Le statut du cheveu crépu/frisé, de la peau noire et des traits noirs
Juliette SMERALDA mène une réflexion sur le statut de «stigmate» (p. 87) du cheveu crépu/frisé, de la peau noire et des traits noirs. Statut malmené par «une domination ethno-esthétique» (p. 85):
«Religieux, voyageurs, chroniqueurs, savants et scientifiques de tout acabit ont importé leurs préjugés en Europe et soumis le cheveu crépu, les traits morphologiques et la couleur des Extra-occidentaux à des appréciations très subjectives, voire très défavorables. Celles-ci se sont pérennisées et sont au moins en partie responsables du statut de stigmates dont héritent les caractères morphologiques de certains groupes humains» (p. 59)
3.2 Les transformations capillaire, épidermique et morphologique: des «stratégies» questionnées
La sociologue trace un Historique du peigne africain, de la coiffure africaine, des méthodes de modification de la structure et de la couleur du cheveu et de la peau. Les transformations capillaire, épidermique et même morphologique sont nées aux Etats-Unis: «le fait d’ailleurs que les défrisants et dépigmentants destinés aux Noirs soient apparus aux Etats-Unis ne relève pas du hasard: un lieu entre la situation de ce pays qui n’est jamais parvenu à souffrir sa minorité noire, et l’apparition de ces procédés qui, à l’instar de la dilution biologique largement entamée, viennent assez rapidement à bout des traits négroïdes les plus résistants…» (p. 65). Ces transformations correspondent à «la stratégie de dénaturation (défrisage et décoloration)» (p. 86), dans la Douleur, puisqu’elles sont « des pratiques mimétiques inspirées du modèle blanc caucasien» (p. 152):
- le cheveu crépu/frisé: «Il donnerait spontanément le sentiment d’être hirsute, non domestiqué et «sale». Il semble donc faire désordre lorsqu’il est porté dans son état naturel, et par les femmes. Il est alors l’objet de moqueries et d’exclusion auxquelles les porteurs ne sont pas toujours en mesure de faire face, surtout lorsqu’il s’agit de s’intégrer à un groupe de pairs et de se sentir exister parmi ceux-ci. Se défaire du cheveu-stigmate serait donc devenu un leitmotiv auquel peu de femmes opposent une réelle résistance.» (p. 62) - «une (sur)représentation négative du cheveu crépu» (p. 69) - «l’histoire douloureuse et irréversible» (p. 103) du cheveu crépu - «se défriser c’est faire la preuve de son aptitude à devenir un sujet socialement «adapté» à un environnement désormais travaillé en profondeur par le modèle occidental» (p. 151) - «par la pratique du défrisage, il s’agit de soustraire les cheveux à la tyrannie du regard qui pénalise socialement. Crépu étant synonyme de disgrâce, d’imperfection, de ruralité, de manque de raffinement, etc., ce cheveu-là doit disparaître derrière un lissage». (p. 153)
- la peau noire: «une rigoureuse instrumentalisation de la couleur de l’épiderme» (p. 85) - «pour cadrer avec l’idéal en vigueur, aucun sacrifice n’est trop grand, aucune douleur insupportable» (p. 90) – la peau «soumise à des formes d’agression caractérisée» (p. 131) – «les personnes qui se défont de ce capital attaquent la couche cornée (de l’épiderme), qui les protège de l’action des ultraviolets et s’exposent ainsi à des pathologies qui peuvent entraîner la mort». (p. 131)
- le corps: la Rhinoplastie pour «dompter le nez épaté et le bout rond qu’il affiche, afin de doter le porteur malheureux d’un «vrai» nez, digne de ce nom: un nez pointu» (p. 170) – le «désépaississement» (p. 170) des lèvres.
3.3 L’enjeu social
Une diaspora confrontée, du fond même et du fait même de son histoire de domination, d’aliénation. S’adapterexige ce gommage systématique et mimétique de spécificités noires? Une interrogation légitime: le regard extérieur se décline dans tous les aspects de socialisation et d’acceptation. Sont véhiculés des supports prolifiques de la société de consommation: la presse dite «ethnique» féminine et masculine, la publicité valorisent une peau et des traits métisses: «la (nouvelle) femme noire, la femme noire moderne n’est pas noire de peau» (p. 181)
Naît un complexe de soi, vécu comme un réel «handicap» (p.62), combattu avec force sacrifices et artifices coûteux et même dangereux… Objectif : acquérir une conformité…celle dominante.
3.4 Les enquêtes de terrain de Juliette SMERALDA
Deux enquêtes de terrain ont permis à Juliette SMERALDA de nourrir, du dedans, ces observations:
La première enquête, en Martinique et en Bavière, concernait 20 salons de coiffure, des professionnels (10 en Martinique et 10 en Bavière). Leur questionnaire ciblait ces thématiques:
- les opérations les plus demandées par la clientèle
- la fréquence de ces pratiques: elles se révèlent systématiques
- les références esthétiques des clientes
- la dimension commerciale
- l’implication des hommes
«Le cheveu crépu est généralement présenté et décrit comme un cheveu malade par les professionnels de la coiffure» (p. 63) - «la coiffure du cheveu crépu […] se voit cependant délaissée au profit de modes qui sont – au su de tous et des coiffeurs en premier lieu – dangereuses par les artifices qu’elles utilisent pour modifier la texture du cheveu crépu» (p. 65)
La seconde enquête, à Strasbourg et à Berlin, interrogeait 84 sujets africains francophones par un questionnaire sur:
- l’éclaircissement du teint
- le défrisage
- les connaissances générales sur la mélanine, les composantes des crèmes éclaircissantes et leurs effets, les composantes des défrisants, l’origine de ses produits.
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